À l’heure où la France s’est engagée à réduire de 50 % le nombre de contenant à usage unique, quel avenir peut-il être raisonnablement envisagé pour les eaux minérales en bouteille ? Perçues comme un non-sens écologique, les eaux minérales en bouteille PET ne sont pas recyclées à 100 % et figurent sur le podium des déchets abandonnés dans l’environnement. Quelles sont les alternatives ? Et, si on continue à mettre les eaux minérales en bouteille, selon quelles prérogatives ?
Eaux minérales en bouteille : consommation en hausse, recyclage moyen
La consommation d’eau en bouteille a été multipliée par trois entre 1980 et 2007, et la France est « bien » placée au classement mondial avec une moyenne de 138 litres d’eau par an et par habitant en 2018, d’après la dernière étude de l’INSEE abordant la question. Ce qui représentait 9,8 milliards de litres d’eau en bouteille sur l’année, et 25 millions de bouteilles jetées par jour.
D’après le syndicat des minéraliers, le taux de recyclage des bouteilles PET (polyéthylène téréphtalate) est actuellement de 57 %. Seulement et dommage. Car, toujours d’après le syndicat au travers d’une étude réalisée à son initiative, et publiée fin novembre 2022, l’impact carbone d’une bouteille d’eau intégrant 20 % de PET recyclé est le meilleur par rapport aux autres conditionnements des eaux minérales. Un impact de 11 kgCO2 pour une bouteille d’1 litre.
Et les microplastiques dans les eaux en bouteille ?
Des données qui ne masquent pas la réalité des innombrables bouteilles flottant sur les océans, ni l’étude publiée en juillet 2022 par Agir pour l’environnement. Selon celle-ci, 78 % des eaux minérales en bouteille les plus vendues en France sont contaminées par des microplastiques. Entre 1 et 121 microparticules par litre et 4 types de plastiques ont été identifiés, dont l’essentiel proviendrait de la bouteille, du bouchon ou du processus d’emballage.
Le pompon de l’eau la plus contaminée revient à une eau minérale en bouteille destinée au marché de l’alimentation des enfants, dans laquelle 40 microparticules ont été identifiées dans le format 33 cl. Un bad buzz pour la marque en question dont le discours est justement positionné pile sur les bienfaits santé.
L’eau en vrac en phase test
Pour trouver une alternative aux eaux minérales en bouteilles, les industriels réfléchissent. Danone a ainsi commencé à tester l’eau en vrac à l’automne 2022 avec sa marque Evian. Conditionnée en bonbonne de 44 litres alimentant une fontaine, le projet est en phase test chez des partenaires de la marque pour 3 mois. L’expérience, menée notamment avec Sodexo, sera ensuite analysée pour évaluer sa pérennité.
Le test concerne le circuit hors-domicile et Danone avance une réduction de 25 % du plastique mis sur le marché avec ce système, et 30 % de moins en émission de carbone. Une réflexion que le syndicat des minéraliers annonce par ailleurs mener collectivement avec ses adhérents.
Les eaux en bouteilles sous l’angle de la réglementation
Dans le cadre des nouvelles règles en matière d’emballages proposées par la commission européenne fin novembre 2022, le secteur global de l’emballage devrait être sur la voie de la neutralité climatique d’ici 2050. Mais, techniquement, l’Europe en est encore au stade de la proposition sur le thème, et celle-ci sera examinée par le Parlement européen et le Conseil. Si cela va prendre du temps, la question de l’avenir pour les eaux minérales en bouteilles plastiques n’est pas de la fiction. Et elle se pose aussi pour les eaux en bouteilles verre, dont l’impact environnemental n’est pas négligeable.
Et les eaux en bouteilles plastiques biosourcés ?
Les matières plastiques représentent aujourd’hui 40 % des 180 kg de déchets générés par personne chaque année en Europe. C’est aussi du côté de la réglementation que cela va se jouer : indiquer « plastique biosourcé » ne suffit plus, les fabricants devraient indiquer précisément la part de plastique biosourcé dans l’emballage de la bouteille plastique.
L’angle santé : l’avenir des eaux minérales en bouteille ?
Cet angle « santé » des eaux minérales en bouteille est celui qui pourrait continuer à donner une forme de légitimité à ce conditionnement à usage unique, avec les eaux minérales répondant à des besoins ou à des nécessités fonctionnelles.
Ceci est d’abord réglementé par la directive européenne (80/777 du 15/07/1980) pour l’exploitation et le conditionnement d’une source d’eau minérale qui doit également « être de nature à apporter, dans certains cas, ses propriétés favorables à la santé ». A la clé, de multiples références en termes de composition sont sur le marché des eaux minérales en bouteille, à adapter en fonction du profil santé du consommateur.
Les eaux minérales en bouteilles comme boissons fonctionnelles
Des marques sont déjà identifiées pour leurs bienfaits fonctionnels, ou a minima un univers dans lequel elles sont positionnées. C’est le cas d’Hépar, une référence très identifiée par le grand public pour sa teneur en magnésium et son intérêt pour le transit. Contrex, elle, dispose plutôt d’une aura connue du grand public dans l’univers de la minceur.
Autre aspect incontournable des eaux minérales en bouteille, celui de l’alimentation infantile et plus précisément des bébés. Estampillées réglementairement « convient pour la préparation des aliments pour nourrissons », ces eaux faiblement minéralisées apparaissent passablement inamovibles dans ce paysage.
Demain, des eaux minérales en bouteille toutes fonctionnelles ?
Cet angle de boisson fonctionnelle est-il l’avenir des eaux minérales en bouteille ? Volvic a ouvert la voie dès mai 2021 avec son eau minérale enrichie en zinc, Volvic Zest+, conditionnée en briquette en carton recyclable. Un positionnement qui s’inscrit dans le processus de transition nutraceutique qui permet de fonctionnaliser les eaux minérales en bouteille. La marque Vittel s’est aussi engagée sur ce terrain avec le lancement de Vittel®+, positionnée sur le renforcement du système immunitaire. Une eau enrichie en zinc et vitamines B6, B1 et B3, conditionnée, elle, en bouteille.
Si les eaux minérales fonctionnelles sont encore peu présentes sur le marché français, le marché mondial est en croissance. Il est passé de 12,86 milliards de dollars en 2020 à 13,80 en 2021. Des chiffres avancés par le cabinet Fortune Business Insights (1) qui prévoit un marché à 23 milliards de dollars en 2028. Ce qui ressemble bien à une perspective d’avenir radieux pour les eaux minérales en bouteille, mais plutôt sombre pour l’impact environnemental.
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(1) cité par LSA dans l’article La promesse de croissance des eaux fonctionnelles (lsa-conso.fr)
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