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Sécurité de l’alimentation dans le monde : la malnutrition gagne du terrain

Il y a quelques jours, l’édition 2019 du rapport sur l’Etat de la Sécurité Alimentaire dans le monde est devenu disponible sur le site de la FAO. Cette œuvre collective a été réalisée par la FAO, le FIDA, l’UNICEF, le PAM et l’OMS[1] – dont les dirigeants ont signé un avant-propos qui appelle résolument à l’action et à la coordination des états pour « libérer le monde de la pauvreté, des inégalités, de la faim, de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition sous toutes ses formes ». Voici les messages clés à retenir.

Un objectif commun : « Faim Zéro »

Et ce, d’ici 2030. Voici l’Objectif de Développement Durable n°2[1], fixé par les Nations Unies. Au sein de cet objectif, plusieurs cibles sont visées, parmi lesquelles :

  • Eliminer la faim, et faire en sorte que chacun puisse avoir accès à une nutrition suffisante tout au long de sa vie
  • Mettre fin à toute forme de malnutrition, avec un accent sur la dénutrition des enfants et l’anémie chez les femmes enceintes ou allaitantes

D’autres cibles concernent la diversité génétique des semences, la viabilité des systèmes de production alimentaire ou encore le renforcement de la coopération internationale.

La faim regagne du terrain après plus de 10 ans de diminution

Après plus de 10 ans de baisse constante, la prévalence mondiale de la sous-alimentation stagne depuis 3 ans à environ 11%, mais en chiffre absolu, cela représente un nombre croissant de personnes souffrant de la faim. Actuellement, plus de 820 millions de personnes ne disposent pas de quantités suffisantes de nourriture pour subvenir à leurs besoins.

La faim est notamment repartie à la hausse dans des régions du monde déjà très affectées, comme l’Afrique et notamment l’Afrique subsaharienne, où elle touche près de 23% de la population. Elle atteint 15% en Asie du Sud, 12% en Asie de l’Ouest, et ce, malgré les progrès réalisés sur les 5 dernières années. 500 des 820 millions de personnes souffrant de la faim vivent en Asie, qui est donc le continent le plus touché, juste devant l’Afrique (260 millions).

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La prise en compte d’un nouvel indicateur : l’insécurité alimentaire modérée à grave

Dans ce rapport, les auteurs se sont intéressés à un nouvel indicateur : celui de l’insécurité alimentaire modérée à grave. Cela fait référence à des personnes qui « ne peuvent pas avoir régulièrement accès à des aliments nutritifs en quantité suffisante ». N’étant pas certaines de pouvoir se procurer à manger, ces personnes sont parfois contraintes de réduire la qualité et/ou la quantité des aliments qu’elles consomment. Cela ne les fait pas nécessairement souffrir de la faim, mais les expose à d’autres formes de malnutrition et de risques pour la santé.

Actuellement, en prenant en compte la faim ainsi que l’insécurité alimentaire grave et modérée, nous arrivons à un total vertigineux de 26.4% de la population mondiale, soit 2 milliards de personnes. L’insécurité alimentaire ne touche pas que les pays en développement, les pays riches sont également exposés à ce phénomène. En Amérique du Nord et en Europe, ce serait environ 8% de la population qui en souffrirait, principalement de façon modérée.

L’étude approfondie de l’insécurité alimentaire mondiale permet également de révéler des disparités entre les sexes : les femmes sont globalement plus touchées par l’insécurité alimentaire que les hommes, surtout en Amérique Latine. Ceci renforce l’idée que plusieurs combats doivent être menés de front pour créer une synergie, notamment celui pour l’égalité hommes-femmes. L’insécurité alimentaire des femmes pourrait être réduite notamment par un accès plus généralisé à l’éducation, à l’emploi et à l’indépendance financière.

De nouveaux facteurs aggravants identifiés

Dans les rapports des années précédentes, des facteurs aggravants l’insécurité alimentaire et la nutrition ont été étudiés plus largement, comme les conflits, ou la variabilité du climat et les extrêmes climatiques. Cette année, les auteurs ont porté leur attention sur les effets des ralentissements de la croissance et les fléchissements économiques.

Selon les dernières projections économiques mondiales, il faudra s’attendre dans les années qui viennent à une croissance économique diminuée voire au point mort dans de nombreux pays. Cela concerne notamment des pays émergents ou en développement. Parmi ces pays, bon nombre sont largement tributaires des exportations et/ou des importations de produits de base.

La crise de 2008 a profondément marqué les économies mondiales, et même si certaines ont réussi à se relever, la reprise a été inégale et de courte durée dans de nombreux pays. On ajoute à cela des relations commerciales tendues au niveau international, conséquence de mésententes, de conflits d’intérêts et de négociations géopolitiques.

Une des conséquences de cette tension est la progression de la faim dans les pays où l’activité économique ralentit. En effet, le rapport présente une forte corrélation entre l’augmentation de la sous-alimentation et le recul de l’économie. Dans la majorité des cas, il s’agissait de pays à revenu intermédiaire. Dans les pays qui souffrent d’insécurité alimentaire aiguë, les conflits continuent d’aggraver la situation, et nécessitent de l’aide humanitaire de plus en plus importante.

L’obésité et le surpoids explosent : la malnutrition sous d’autres formes, tout aussi dévastatrices

C’est le grand paradoxe de la malnutrition : alors que la faim progresse à nouveau, le surpoids et l’obésité touchent également une part croissante de la population mondiale.

En Amérique Latine et dans les Caraïbes, on parle même d’« épidémie d’obésité », tellement la situation est préoccupante. L’obésité touche environ 25% de la population, et 60% est en surpoids, ce qui place cette région en deuxième place au classement mondial, derrière l’Amérique du Nord. La situation dans ces pays est de plus en plus complexe, puisqu’elle mêle de façon inquiétante toutes les formes de malnutrition. On rencontre donc sous-alimentation, obésité et carences en micronutriments, ce qui en fait un problème de santé publique des plus difficiles à traiter.

L’obésité est à l’origine de 4 millions de décès chaque année dans le monde. Elle progresse encore plus rapidement que le surpoids, et aucune région du monde ou catégorie de population n’est épargnée. Elle est notamment largement en hausse chez les enfants, chez qui elle est associée à une consommation insuffisante de fruits et légumes, trop importante de produits de fast-foods et de sodas, et l’absence d’une activité physique quotidienne. Le rapport insiste sur le besoin de créer des environnements alimentaires plus sains, qui aident à réduire la consommation de graisses saturées, de sel et de sucre. En France également, les politiques publiques s’alertent de l’augmentation de ce type de malnutrition.

Si l’on parvient assez bien à établir des corrélations fortes entre inégalités de revenu et dénutrition, les schémas d’inégalité qui mènent à l’obésité sont plus complexes. Cela contribue également à la complexité d’éradiquer cette forme de malnutrition.

Un constat sans appel : il faut agir au plus vite pour atteindre les objectifs d’ici 2030

La prévalence de retard de croissance chez l’enfant de moins de 5 ans recule (-10% en 6 ans), mais pas assez rapidement pour atteindre l’objectif d’ici 2030, qui est de la réduire de moitié. L’anémie chez la femme persiste : elle touche 33% des femmes en âge de procréer, plus du double de la cible fixée pour 2030. En plus de la hausse de l’obésité et du surpoids partout dans le monde, ces indicateurs montrent qu’il faut absolument agir, et vite.

Le prix de la malnutrition est exorbitant, au niveau humain bien sûr, mais également au niveau financier. On estime que l’obésité pourrait coûter 2 milliards de dollars par an dans le monde, notamment à cause des coûts des soins de santé. Par ailleurs, les différentes formes de malnutrition sont étroitement liées. La dénutrition chez les nouveau-nés favorise les retards de croissance et le développement de surpoids et de maladies chroniques, comme le diabète, plus tard dans la vie. Les coûts engendrés par les soins de ces affections accompagnent donc les personnes qui en souffrent toute leur vie.

Le rapport appelle donc à l’action sur deux domaines :

  1. Faire en sorte de préserver la sécurité alimentaire et la nutrition grâce à des politiques économiques et sociales qui contrent les effets des ralentissements économiques. Cela passerait notamment par la garantie de financement de dispositifs de protection sociale, et un accès universel à l’éducation et à la santé.
  2. Lutter contre les inégalités à tous les niveaux, afin de limiter plus durablement l’insécurité alimentaire et la malnutrition. Cela suppose, entres autres, d’augmenter l’épargne en période de croissance afin de contrebalancer les périodes de récession sans faire pâtir les plus démunis.

A court terme, le rapport propose des actions à mettre en place par les Etats afin de préserver l’emploi et le pouvoir d’achat, particulièrement des ménages exposés aux risques. Ces actions regroupent des programmes de protection sociale, de travaux publics, et de santé. Cela peut également passer par de l’éducation alimentaire.

Le chemin est encore long pour éradiquer la malnutrition sous toutes ses formes, même si chaque progrès nous rapproche de l’objectif 2030 : #FaimZéro. Cependant, il faut redoubler d’efforts pour parvenir, à terme, à permettre à chacun de se nourrir à sa faim, et de subvenir à ses besoins nutritionnels.


  1. FAO = Food and Agriculture Organisation ; FIDA = Fonds International de Développement Agricole ; UNICEF = Fonds des Nations Unies pour l’enfance ; PAM = Programme Alimentaire Mondiale ; OMS = Organisation Mondiale de la Santé
  2. https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/

Cet article a été rédigé avec Solène Dhôte, assistante consultante chef de projet, merci à elle !

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